Même si je suis actuellement salarié, j’ai créé une entreprise et l’ai gérée avec plus ou moins de succès pendant huit ans.
Ma principale activité était de développer des logiciels, aussi mon expérience est celle de la prestation intellectuelle, mais j’ai tenté de rassembler quelques conseils qui peuvent s’appliquer à la plupart des entreprises.
Ne pas rester isolé
Je commence par le point le plus important.
Psychologiquement, gérer une entreprise est difficile. Aux périodes de succès succèdent des périodes de crise. On a toujours des doutes qui nous paralysent. Parler aux autres entrepreneurs permet de relativiser.
On a besoin d’un réseau pour trouver des clients et savoir ce qu’il se passe, trouver des opportunités. Il ne faut pas hésiter pas à rendre service même si les retombées ne sont pas évidentes. On vous renverra l’ascenseur.
Restez sur le radar des gens. Un petit coup de fil pour la nouvelle année ça fait toujours plaisir.
Les concurrents d’aujourd’hui sont les alliés de demain. Non, l’entreprenariat n’est pas un championnat où il faut écraser les autres pour gagner! Il peut y avoir plusieurs vainqueurs.
Savoir compter
Se tromper dans ses calculs de rentabilité est la plus grosse erreur de ceux qui commencent. Financièrement, je démonte régulièrement les projets qu’on me soumet grâce à un simple calcul sur un coin de nappe.
Connaître une minimum de compta
Savoir précisément ce que sont: recettes, charges, chiffre d’affaires, bénéfices, TVA (que vous récoltez pour l’État mais que vous devrez lui reverser), amortissements. Qu’est-ce qu’un abus de bien social ?
Évaluer les ordres de grandeur
Disons qu’on veut se payer 2000 € net/mois. Pour un statut classique de type EURL, on a environ 40% de charges sociales. La boite doit donc encaisser 2800 €/mois rien que pour vous payer.
Une société a des frais: acheter du matériel, remboursement des frais de déplacement (ça chiffre vite). Comme je faisais de la prestation intellectuelle, j’avais peu de charges, mais je considérais quand même qu’en gros je devais faire entrer le double de mon salaire, sachant qu’entre deux missions ou pendant mes vacances, je ne gagnais rien.
Faites ce genre de calculs: si votre projet ne marche pas dans les grandes lignes, dans des conditions peu favorables, alors il n’est pas viable. D’autant plus que le début d’activité est généralement lent.
Soyez économes
J’allais régulièrement dans un restaurant et j’aimais beaucoup parler avec les propriétaires. Mais l’affaire n’était pas rentable. Quand ils ont repris le resto, il y avait une terrasse d’été, à l’arrière, en graviers. Ça convenait, mais ils se sont fait plaisir et ont dépensé 7 000 € pour installer une belle terrasse en bois. Il faut en vendre des quiches-salades à 10 € pour rembourser un tel investissement!
La tréso
La trésorerie est l’argent qui permet le travail au quotidien. C’est le compteur de vitesse de la boite et il faut sans-cesse garder un œil dessus. Les banques refusent généralement de prêter de l’argent pour la trésorerie: c’est risqué et elles ne peuvent rien récupérer en cas de perte. Au début, il faudra donc utiliser le capital de la boite — vos économies.
Un bon exemple que j’avais lu: vous avez une société de nettoyage. Vous décrochez une gros contrat pour nettoyer un immeuble entier de bureaux. Ça semble une très bonne manière de développer le chiffre d’affaires, mais en fait c’est une catastrophe! Pour pouvoir assurer la prestation, il faudra embaucher trois nouveaux salariés, et avancer leurs salaires pendant deux mois. N’oubliez pas qu’on est généralement payé à 60 jours ou 45 jours-fin de mois! Pour une petite boite sans beaucoup de trésorerie, ce n’est pas réalisable.
Ne gérez pas votre boite comme vos propres finances
Il ne faut pas penser comme vous le faîtes pour vos dépenses personnelles.
On peut tout à fait se permettre d’aller au resto le midi et passer 15 € en notes de frais. Ça compte comme une charge HT et ce n’est pas décompté de votre salaire.
Autre exemple: le propriétaire de mon club de sport me dit qu’il a acheté comptant une machine pour nettoyer le sol. C’est une erreur: il a utilisé sa tréso alors qu’il aurait pu souscrire un crédit-bail. Evidemment, le crédit-bail coûte plus cher (pas tant), mais ça ne grève pas votre tréso.
À la fin de l’exercice, vous aurez peut-être de l’argent qui reste: investissez ou versez des primes au personnel. Le bénéfice est soumis à l’impôt sur les sociétés (15 ou 33%), aussi avoir un bénéfice quasi nul est témoin d’une bonne gestion de la boite.
Trouver un bon comptable
Un bon comptable est cher (2000 €/an dans mon cas), mais un mauvais comptable fera des erreurs qui empêcheront de dormir et qui au final coûteront plus cher. Je parle d’expérience!
Un bon cabinet comptable sera votre premier conseiller et évitera les erreurs grossières.
Pour trouver un bon comptable, faites marcher le bouche à oreille. J’avais trouvé le mien en demandant à mon resto favori. Évitez les comptables sur Internet même si ça parait moins cher.
Valeur ajoutée
Le travail d’une entreprise, c’est d’ajouter de la valeur. Il y a même une taxe là-dessus! Plus on offre de la valeur aux clients, plus ils nous aiment.
L’exemple classique du boulanger. Dans une baguette, il n’y a que de la farine, de l’eau, de la levure et du sel. Mais son travail fait qu’il peut transformer 0,10€ d’ingrédients en une baguette à 1,10 €.
Il existe un tas de moyens d’ajouter de la valeur. Certains sont rentables et d’autres non. Si la valeur perçue n’est pas suffisante, personne n’est prêt à payer, ou pas assez cher.
C’est un métier
Beaucoup de gens créent un restaurant parce qu’ils aiment cuisiner. Or si on veut cuisiner, il faut devenir cuisinier, pas gérant d’un restaurant! La réalité de la gestion d’un restaurant est que la plupart des tâches n’ont rien à voir avec la cuisine. On parle: des achats, de la compta, la gestion du personnel et son recrutement, l’entretien, le respect des normes, etc.. Je ne dis pas qu’un bon cuistot n’est pas important — c’est lui qui va apporter l’essentiel de la valeur — mais que ce n’est pas à lui de gérer l’entreprise.
Vous pouvez adorer les bons ingrédients et soigner les assiettes, si la clientèle du coin a 15 mn pour manger et 7 € de budget, ce qu’il faut ouvrir c’est un kebab, pas un restaurant gastronomique!
On m’a raconté l’histoire d’une coiffeuse qui a fermé son salon pour y ouvrir une crêperie. Les gens lui demandaient: «mais tu sais faire les crêpes?». Alors que ce n’est pas la question. Elle avait calculé la rentabilité (les marges sont énormes sur les crêpes), et c’était financièrement plus intéressant. On peut trouver navrant de changer de métier pour l’argent, mais peut-être en avait-elle marre de faire des permanentes à longueur d’année, ne jugeons pas.
Dans l’entreprenariat, le marché a toujours raison: si vous ne réussissez pas, c’est soit que votre clientèle ne vous connait pas, ou que vous ne répondez pas à ses besoins. Aussi changez soit votre prestation, soit votre cible.
Le temps est précieux
Essayez de ne travailler que 8 heures par jour. Ce n’est pas forcément évident, on mélange souvent vie personnelle et professionnelle. Profitez de la flexibilité de votre emploi du temps, par exemple pour aller au supermarché en plein après-midi plutôt que le week-end.
Il faut sans-cesse se poser la question: cette action est-elle mon cœur de métier ou pas? Si la valeur ajoutée est faible, mieux vaut payer une autre entreprise pour la faire. Par exemple, un restaurateur ne fait généralement pas son propre pain. Il y passerait beaucoup de temps pour un résultat finalement moins bon.
Ça s’apprend. Ne prenez pas la voiture pour déposer une lettre. Collez un timbre dessus. Ça coûte 0,50 €, mais on économise une heure. On n’achète pas un seul carnet de timbres, mais 5 pour ne pas revenir de sitôt à la Poste! Pour acheter des trombones, prenez un paquet de 1000, vous en aurez pour une vie. Ça évite de perdre du temps à les acheter à nouveau.
Apprendre à repérer les boulets
Crevards
Des gens qui voudraient que tu t’associes avec eux, que toi tu prennes les risques (y passes du temps ou de l’argent), et récupérer la majorité des profits.
Note: même des boites riches peuvent être des crevards.
Touristes
Des gens qui ne font pas du business, mais rêvent.
Une fois je me suis rendu à Paris et dejeûné avec quelqu’un qui voulait faire un jeu sur iPad. Trois heures perdues pour en arriver à: «je voulais juste avoir une idée du prix, je verrai quand j’aurais l’argent».
Au premier contact avec un prospect, il faut demander quel est son budget. S’il n’en a pas, c’est qu’il n’est pas sérieux ou que son projet est inabouti, et il vous fait perdre votre temps. Alors que même si son budget ne convient pas, vous pouvez redéfinir le périmètre du projet ou recommander un confrère/concurrent.
Bons à rien
Il y a des gens qui sont dans tous les coups foireux. Ils ont une boite qui vivote, aucun succès réel. Ils prétendent toujours connaître plein de clients potentiels. Ces gens sont souvent sympas mais réunissent les défauts des crevards (c’est vous qui allez investir puisqu’ils n’ont pas une thune) et des touristes (il rêvent éveillés, leur projet n’a pas de potentiel commercial).
Il y a trois types de boites
Celles qui cartonnent: c’est facile; il faut continuer!
Celles qui ne marchent pas: c’est évident que ça ne prend pas, il faut passer à autre chose.
Celles qui vivotent: elles permettent tout juste de payer un SMIC et les factures.
Ce troisième type est dangereux; on peut rester des années dans cette situation. Il ne faut pas, on perd son temps. La vie est trop courte.
Ce billet est assez décousu, mais c’est l’adaptation d’un e-mail que j’ai envoyé. Ça m’évitera de me répéter 😉